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« Rien n’est impossible à [celle] qui veut vraiment » a dit un jour l’écrivain espagnol Fernando Rojas. Cette maxime pourrait bien motiver certaines femmes atteintes d’endométriose et en faire pâlir d’autres. En effet, celles qui vivent avec cette maladie chronique se divisent en deux groupes bien distincts : il y a celui des optimistes qui cherchent par tous les moyens comment adoucir leur quotidien et faire reculer la maladie et il y a celui de résignées pour qui le diagnostic d'endométriose est une condamnation sans retour possible et pour qui il n’y a rien d’autre à faire qu’à subir la maladie. Entre ces deux groupes, on trouve aussi celles qui ont essayé mais pour qui rien n’a marché. Plongée dans le quotidien des femmes qui vivent avec l’endométriose pour comprendre pourquoi elles n’ont pas la même vision de leur futur avec la maladie.

Qui dit maladie chronique, dit malade à vie ?

On peut le lire partout sur les sites de référence en matière de santé : l’endométriose est une maladie « chronique ». Et à l’instar de toutes les maladies « chroniques », elle ne se guérit pas.

Les femmes qui sont atteintes d’endométriose vivront toute leur vie avec la maladie, ou tout du moins jusqu’à la ménopause pour la grande majorité d’entre elles.

S’il existe aujourd’hui plusieurs traitements médicaux ou chirurgicaux qui permettent de soulager les symptômes de la maladie, l’endométriose, maladie chronique, n’a pas de traitement définitif.

Certaines femmes se trouvent vraiment soulagées par les traitements médicaux, d’autres par les traitements chirurgicaux et/ou par les soins de support.

Parmi elles, un certain nombre arrivent à endiguer les symptômes et quelques-unes arrivent à être en rémission pendant plusieurs années voire à faire régresser la maladie.

A l’opposé, d’autres ne trouvent aucun apaisement à leurs maux quotidiens, même après avoir tenté plusieurs traitements hormonaux différents, même après avoir essayé différentes classes d’anti-douleurs, même après avoir subi plusieurs chirurgies de retrait des lésions, même après s’être fait retirer l’utérus (hystérectomie) et après avoir testé de nombreux soins de support. Parmi ces femmes, un certain nombre d’entre elles ont perdu l’espoir d’aller mieux ou de contenir l’impact de la maladie dans leur quotidien tandis que d’autres persistent à chercher des solutions se disant qu’un jour peut-être elles iront mieux.

Pour d’autres encore, le diagnostic de maladie chronique équivaut à une condamnation d’office à un quotidien très difficile sur lequel on ne peut pas avoir de prise.

Allons à la rencontre de chacune d’elles.

Essayer, essayer encore et encore, essayer jusqu’à trouver une solution

Si elles devaient avoir une devise ce serait certainement : « A tout problème sa solution ».

Ces femmes, résolument et définitivement optimistes, sont convaincues qu’un jour elles iront mieux, qu’un jour les symptômes se feront plus doux ou disparaîtront.

Est-ce en raison de leur caractère, parce qu’elles savent que cela est arrivé à d’autres femmes ou parce qu’elles ont déjà fait l’expérience de ces longues périodes de répit ?

Un peu des trois à la fois, comme en témoignent Zoé et Natacha.

Zoé raconte que de son côté, c’est l’expérience des petits mieux qui l’aide à tenir : « J'entretiens effectivement l'espoir d'aller mieux. Je cherche des méthodes alternatives pour soulager les symptômes (cure thermale, yoga, acupuncture...). Même si certains jours l'espoir s'éloigne un peu, j'essaie de m'accrocher et il revient. Même si je n'attends pas de miracle, les petits mieux sont toujours bons à prendre et permettent de vivre le mieux possible et de garder le moral (qui se sauve un peu parfois aussi mais jamais très longtemps) ».

Natacha, quant à elle, fait partie du club des incorrigibles optimistes : « Je fais partie de la team optimiste mais c'est mon caractère (et ça peut en énerver plus d'un) donc je me range volontiers du côté de celles qui chercheront et testeront des choses jusqu'au bout ! »

Cet optimisme à toute épreuve, cette manière de « creuser comme un cocker sans pattes » (pour citer une expression utilisée par Natacha) pour trouver des solutions, est un moyen pour ces femmes, à qui la santé fait défaut, de sentir qu’elles ont encore prise sur ce corps qui les accompagne au quotidien et qui bien souvent leur devient complètement étranger. Car il n’y a pas de petite victoire sur l’endométriose. Que ce soit pour obtenir une grossesse tant attendue ou pour se dépasser sportivement pour son propre plaisir, pour mener la carrière professionnelle dont on a toujours rêvé ou bien encore simplement « vivre à fond sa vie », ces femmes refusent de « laisser la maladie tout gâcher » comme le dit si naturellement Axelle. « L'espoir est là, plus que jamais. Je me dis que je ne peux pas déjà baisser les bras, même si ce n’est pas facile au quotidien... Je me dis qu'il y a encore plein de choses que je n'ai pas essayé. Et ça c'est beaucoup !! »

Essayer, tester, expérimenter, tester encore : n’est-ce pas une forme de combat contre la maladie ?

En même temps, cet activisme pourrait ressembler aux derniers sursauts d’un combattant à l’agonie. Et, en effet, de l’extérieur tout laisse à penser que ces femmes refusent d’être malades et cherchent à tout prix à gommer l’effet de la maladie sur leur quotidien.

En réalité, si cela peut être le cas pour certaines de ces femmes, pour la majorité d’entre elles, ces actions sont surtout un symbole de l’acceptation de la maladie. L’acceptation, comme la colère, le déni ou bien encore la résignation font partie des différentes phases émotionnelles que peuvent traverser les personnes qui vivent avec une maladie chronique.

Ce processus est appelé « processus d’appropriation ». L’appropriation correspond à une profonde réorganisation psychique : les personnes malades prennent conscience qu’il faut faire face à la maladie et à ses contraintes en essayant toutefois d’en limiter les conséquences sur la vie quotidienne.

L’appropriation correspond à une stratégie active qui va être un préalable au changement de comportement pour mieux vivre avec la maladie. Elle permet à une personne de vivre aux mieux sa vie malgré les limites posées par sa condition de malade chronique.

C’est d’ailleurs ce dont la majorité de ces femmes témoignent quand on les interroge sur ce qu’elles cherchent au bout du compte. Leur principal objectif est d’obtenir un soulagement des symptômes et une vie à peu près « normale » mais aussi de tenir éloigné le plus longtemps possible le spectre de cette maladie, qui évolue par crise.

Malgré l’espoir, la fatalité de la vie avec une maladie chronique

Parce que, bien souvent, la crise n’est jamais très loin, même si elles ont pu reprendre le dessus sur la maladie pendant quelques temps. C’est ce qui fait que cette maladie rime fréquemment avec fatalité et résignation. Comme en témoigne Sophie, qui dit être « dans un entre-deux », dans lequel elle « alterne entre recherche d'aller mieux avec l'aide des médecins et de tout ce que je peux trouver, au moins pour ce qui est des symptômes douloureux et de la fatigue chronique intense ; tout en étant résignée à vivre dans la douleur jusqu'à une ménopause naturelle ou artificielle ou un recours à une chirurgie drastique ».

Pauline raconte une histoire assez similaire : « Il est très difficile de dissocier, les différents sentiments qui peuvent me traverser entre le désespoir, la condamnation, l’espoir, l’envie de vivre et de surtout retrouver un mieux-être, un meilleur confort de vie. Mais il y a aussi cette résilience à laquelle on doit faire face car malgré l’espoir, l’instant présent est plus fort que tout et il faut écouter son corps, son instinct et le bon sens pour avancer heure par heure, minute par minute. J’essaye au maximum d’adopter un comportement d’acceptation, plutôt que de regrets ou de frustration quand je ne suis en incapacité de faire ce qui était prévu. Alors chaque victoire est un pas en avant, même si le lendemain il y en a 10 en arrière. Je suis devenue un peu fataliste je crois. »

Cette valse des émotions est bien connue des femmes qui vivent avec la maladie chronique. La plupart d’entre elles oscille entre le fait de sentir en capacité d’agir sur leur état de santé et le fait de sentir totalement vulnérable face à une maladie dont finalement on ne sait toujours pas grand-chose, comme le raconte Jennifer : « Je commence tout juste à sortir la tête hors de l'eau en ayant petit à petit trouver la force de me convaincre que je peux agir sur des petites choses mais que ça peut prendre du temps. Ce n'est pas parce qu'on veut que ça aille mieux que ça va arriver dans la seconde ».

Le temps est en effet un paramètre important dans l’équation car pour toutes l’objectif est d’améliorer son confort de vie le plus longtemps possible et de gagner du temps en attendant que la recherche médicale progresse. Ces derniers mois de nombreuses avancées scientifiques sur l’endométriose ont d’ailleurs été publiées.

 

Rédigé par Bertille Flory - Journaliste

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