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Ces derniers mois, plusieurs études portant sur des solutions potentielles pour guérir l’endométriose ont fait grand bruit dans la presse. La dernière en date concerne la découverte par des chercheurs japonais de la présence d’une bactérie du genre « Fusobacterium » chez des femmes souffrant d’endométriose et de l’utilisation d’un traitement antibiotique pour réduire les lésions. D’autres études ciblant des modes innovants de diagnostic de la maladie, à l’instar du test salivaire développé par la start-up française Ziwig, ont également beaucoup fait parler d’elles. Au-delà de ces découvertes et innovations très médiatiques, où en est la recherche sur l’endométriose en France ? Est-ce que ces découvertes sont le reflet d’une véritable accélération des recherches sur l’endométriose montrant que cette ère thérapeutique est enfin en train d’évoluer ou sont-elles simplement l’occasion pour les médias de surfer sur un sujet de santé féminine en plein essor ?

La recherche, au cœur de la stratégie nationale française de lutte contre l’endométriose

Le 14 février 2022, le ministre des Solidarités et de la Santé a présenté la stratégie nationale de lutte contre l’endométriose, « concrétisation de l’engagement pris par le président de la République le 11 janvier dernier pour mieux informer la population, mieux diagnostiquer et prendre en charge les femmes atteintes d’endométriose et développer la recherche sur cette maladie qui touche aujourd’hui une femme sur dix »[1].

Cette stratégie comprend un axe spécifiquement dédié à la recherche avec un programme d’investissements massifs : 25 à 30 millions d’euros sur 5 ans. Une base de données épidémiologique (la plus grande du monde d’après le site du ministère de la Santé) sera constituée en se fondant sur les six cohortes[2] de patientes déjà existantes en France[3].

Trois axes prioritaires ont été identifiés :

  • Définir les programmes de recherche prioritaires,
  • Renforcer les connaissances sur la maladie en finançant la recherche fondamentale,
  • Exploiter et valider des bases de données épidémiologiques afin d’étudier l’impact de la maladie (6 cohortes avec une base de données de 11 000 cas d’endométriose).

L’objectif du gouvernement est de montrer et d’affirmer que la recherche française est moteur sur le sujet de l’endométriose dans le monde[4].

Comment s’organise la recherche sur l’endométriose en France ?

Aujourd’hui, les théories sont nombreuses (Samson, reflux, Métaplasie, Leyendecker, etc.) pour expliquer comment les lésions d’endométriose se mettent à coloniser le corps et les différents organes des femmes qui en sont atteintes. Mais le mode d’apparition et de progression de cette maladie reste encore une énigme pour les chercheurs du monde entier.

Or, c’est en comprenant la cause du développement d’une maladie qu’on peut au mieux agir dessus et qu’il est possible de trouver un traitement pour la guérir. C’est tout le travail mené en recherche fondamentale et en recherche clinique.

Recherche fondamentale et recherche clinique

La recherche médicale fondamentale a pour objectif de mieux comprendre le corps humain et ses maladies tandis que la recherche médicale clinique se fonde sur les résultats de la recherche fondamentale pour inventer et prouver l’efficacité de nouveaux traitements.

Paysage des acteurs français impliqués

  • La Fondation pour la recherche sur l’endométriose

Créée le 8 janvier 2021 par l’association de patientes ENDOmind et sous égide de la Fondation pour la recherche médicale (FRM), la Fondation pour la recherche pour l’endométriose soutient financièrement, grâce aux dons de mécènes et de particuliers, des projets de recherche sur l’endométriose. L’objectif est de faire des avancées dans le domaine du dépistage, de la prise en charge des patientes et de la compréhension de l’endométriose.

  • ComPaRe Endométriose, une communauté de patientes pour la recherche sur cette pathologie

ComPaRe Endométriose est une cohorte de patientes adultes souffrant d’endométriose qui étudie[5] :

  • l’histoire naturelle de l’endométriose (évolution des symptômes et des caractéristiques de la maladie au cours du temps) ;
  • les facteurs menant à une évolution favorable ou défavorable de la maladie ;
  • les facteurs menant à une meilleure réponse au traitement ;
  • l’hétérogénéité de l’endométriose en analysant les caractéristiques associées aux différentes formes de la maladie, y compris l’adénomyose ;
  • les circonstances du diagnostic et les profils de parcours de soin des patientes ;
  • l’impact de la maladie sur le quotidien des patientes.

  • L’Inserm, Institut national de la santé et de la recherche médicale

L’Inserm est le seul organisme public de recherche français entièrement dédié à la santé humaine. Son objectif : améliorer la santé de tous par le progrès des connaissances sur le vivant et sur les maladies, l’innovation dans les traitements et la recherche en santé publique.

  • Les associations

Depuis 2016, EndoFrance a participé au co financement de 26 projets de recherche clinique ou fondamentale dédiés à l’endométriose. L’association a versé plus de 308 000 € pour la recherche.

L’association Endomind s’implique de son côté par la création et la participation à la Fondation pour la recherche sur l’endométriose.

D’autres associations, comme Endomind, Endo Action, S-Endo, Karuk-Endo ou encore La Belle et l’endo contribuent aux financements de la cohorte Compare.

Les dernières pistes de recherche pour guérir l’endométriose en France[6]

Première piste : L’influence de certaines hormones, comme l’ocytocine ou la testostérone, sur l’origine développementale de la maladie[7]

L’étude ENDoHAD compare, chez des patientes avec ou sans endométriose, la concentration sanguine de l’ocytocine (hormone qui stimule les contractions utérines et pourrait en cas d’excès contribuer à la propagation du tissu endométrial en dehors de l’utérus) et de la testostérone (hormone qui réduit l’activité de certaines cytokines pro-inflammatoires et pourrait favoriser l’intensité des symptômes) et leurs corrélations avec les douleurs d’endométriose et les mesures anatomiques anogénitales.

L’étude ENDoHAD promet ainsi une meilleure compréhension de l’endométriose, des facteurs de risque, avec peut-être à la clé, de nouvelles perspectives thérapeutiques.

Deuxième piste : La mise au point d’un nouvel outil de mesure et de compréhension de la contractilité utérine dans l’endométriose[8]

Sous l’influence d’hormones ou d’agents chimiques, l’endométriose est associée à une majoration de la contractilité utérine à l’origine d’une partie des douleurs et potentiellement de la maladie elle-même.

L’étude a pour objectif de créer un outil innovant de mesure de la contractilité pour comparer le fonctionnement de l’utérus avec ou sans endométriose, et aussi d’étudier l’effet de médicaments, d’hormones, de substances chimiques ou de l’alimentation. Outre le fait de mieux comprendre la maladie, il pourrait s’agir d’une belle perspective de déboucher sur des traitements biomécaniques novateurs de l’endométriose.

Troisième piste : le mauvais fonctionnement de certaines cellules du système immunitaire[9]

L’exonucléotidase CD39 est une enzyme qui pourrait augmenter la réponse immunitaire (comme elle le fait dans certains cancers) et ainsi contribuer à éliminer ou à bloquer le développement des lésions d’endométriose.

Ce projet va étudier l’activité de cette enzyme dans l’endométriose et son impact au niveau cellulaire et moléculaire, ouvrant ainsi une nouvelle perspective thérapeutique contre cette maladie.

Et l’Endotest dans tout ça : quel avenir en France pour cette innovation dans le diagnostic de la maladie ?

Annoncé en février 2022 comme une innovation majeure dans le domaine du diagnostic de l’endométriose dans la presse française[10], l’Endotest n’est toujours pas accessible aux patientes et à leurs médecins en France.

Fondé sur l’analyse des microARN, l’Endotest permettrait d’obtenir en 7 jours un diagnostic fiable de la maladie à partir d’un prélèvement salivaire.

Pourtant fruit de la recherche française associant des médecins experts de l’endométriose, comme le professeur Sofiane Bendifallah attaché au centre de référence de l’endométriose de l’hôpital Tenon à Paris, et d’une start-up française, Ziwig, spécialisée en intelligence artificielle, et objet de trois études scientifiques (la première parue en 2022 dans le Journal of Clinical Medicine[11] et la deuxième en mars 2023 dans le British Journal of Obstetrics & Gynaecology[12] et la troisième en juin 2023 dans le New England Journal of Medicine Evidence[13]) montrant preuves à l’appui de très bonnes performances, ce test n’est pas encore commercialisé en France.

Une étude parue en février 2022 montrait cependant déjà ses bonnes performances et l’étude de juin 2023 les confirmait, avec une sensibilité de 96,2 % et une spécificité de 95,1 %.

D’ailleurs, l’Endotest bénéficie déjà du marquage CE et est disponible en Suisse, au Royaume-Uni, en Italie, en Allemagne, en Suède, en Norvège, au Danemark, en Islande, en Lituanie, en Lettonie, en Estonie, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis. Il le sera très prochainement en Hongrie, en Belgique, au Luxembourg, au Koweït, au Qatar et en Israël et il est remboursé en Suisse.

On le voit un large nombre de pays européens n’ont pas attendu pour avancer sur le sujet du diagnostic rapide de l’endométriose, et ce grâce une innovation française !

Cela peut laisser relativement perplexe sur la dynamique de prise en charge de la maladie en France.

Certains sites spécialisés indiquent que si, en France, le test n’est pas encore commercialisé, c’est selon les autorités sanitaires, parce que le test comme les études sur celui-ci comporteraient des limites, notamment la taille et la composition de l’échantillon de personnes sur lesquelles a été réalisée l’étude.

Et l’entreprise de biotechnologies Ziwig indique être en cours de discussion avec les autorités sanitaires et espère rendre son test disponible pour les patientes avant la fin de l’année 2023…

 

 

Rédigé par Bertille Flory - Journaliste

 

 

 


Sources:

[2] Les six cohortes sont : Constances, E4N, Nutrinet-santé pour les adultes et Elfe, Pelagie, Eden pour les adolescents.

[6] Source : Newsletter de la fondation pour la recherche sur l’endométriose, 29 novembre 2022.

[7] Cette étude est portée par Alexandra Alvergne, de l’équipe d’Anthropologie Évolutive de l’ISEM à Montpellier.

[8] Ce projet est porté par Nicolas Chevalier, du Laboratoire des matières et systèmes complexes, au CNRS, à l’Université Paris Cité.

[9] Ce projet est porté par Julie Tabiasco de l’Institut des Maladies Infectieuses et Inflammatoires à l’INSERM de Toulouse

[10] Il existe aujourd’hui un seul unique autre test de diagnostic rapide de l’endométriose : développé par une start-up américaine en 2020, ce test sanguin est appelé le DotEndo™. Il commence à être commercialisé aux Etats-Unis, sur prescription médicale. Il n’est actuellement pas disponible en France.

[11] Bendifallah, S.; Suisse, S.; Puchar, A.; Delbos, L.; Poilblanc, M.; Descamps, P.; Golfier, F.; Jornea, L.; Bouteiller, D.; Touboul, C.; et al. Salivary MicroRNA Signature for Diagnosis of Endometriosis. J. Clin. Med. 2022, 11, 612. https://doi.org/10.3390/jcm11030612

[12] Ferrier C, Bendifallah S, Suisse S, Dabi Y, Touboul C, Puchar A, Zarca K, Durand Zaleski I. Saliva microRNA signature to diagnose endometriosis: A cost-effectiveness evaluation of the Endotest®. BJOG. 2023 Mar;130(4):396-406. doi: 10.1111/1471-0528.17348. Epub 2022 Dec 19. PMID: 36424910.

[13] Bendifallah Sofiane et al. Validation of a Salivary miRNA Signature of Endometriosis — Interim Data, NEJM Evidence, Published June 9, 2023, DOI: 10.1056/EVIDoa2200282

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