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Pouvez-vous vous présenter ? 

Je m'appelle Clémence Thi-Son Barbier, j’ai 23 ans, je suis artiste et étudiante. Si je devais me définir en une phrase : Clémence, c’est celle qui dessine. Le dessin fait partie de moi depuis toujours. 

Comment le dessin est-il entré dans votre vie ? 

Je dessine depuis que je suis toute petite. C’est un geste naturel, presque instinctif. Le dessin a toujours été mon moyen d’expression privilégié. J’étais une enfant silencieuse, mais je dessinais pour les autres. Je n’ai jamais eu de sujet fixe : je dessine ce qui me traverse l’esprit ou ce que je ressens pour les gens. Je ne gardais jamais mes dessins, ils n’étaient pas un outil, juste un moyen d’expression. 

Quel lien entre votre art et votre parcours avec l’endométriose ? 

Les douleurs ont commencé à s’intensifier vers mes 20 ans. Elles sont devenues si violentes que je ne pouvais plus suivre mes études ni travailler. Mon quotidien était marqué par la souffrance, et naturellement, elle s’est mise à apparaître dans mes dessins. Ce n’était pas volontaire au départ, mais ma douleur s’est exprimée à travers mon art. 

J’ai dû tout arrêter. Il ne me restait que mes mains et mon esprit pour dessiner. À l’hôpital, on me disait que c’était dans ma tête, que j’étais folle. Cette incompréhension, cette violence psychologique, je l’ai retranscrite dans mes dessins. Pour la première fois, je les ai gardés. Peut-être parce qu’ils comptaient, parce que quelque chose en moi n’était pas encore apaisé. 

C’est à ce moment-là que j’ai commencé à utiliser la couleur, à peindre sur toile. Mon art a évolué avec ma douleur. 

Que représentent vos œuvres ? Que vous apportent-elles ? 

Le jour où j’ai enfin été diagnostiquée, à 22 ans, j’ai ressenti un mélange de soulagement et de colère. J’avais déjà évoqué l’endométriose, mais personne ne m’avait écoutée. Cette injustice m’a poussée à créer une œuvre très forte, une œuvre de colère. 

En regardant mes créations, j’ai vu ma souffrance, mon incompréhension, ma tristesse, ma détresse. Je me suis demandé : "Comment a-t-on pu me faire vivre ça ?" 

Mais cette exposition n’est pas née d’un désir de vengeance. Elle est née pour les autres. Je ne supportais pas l’idée que cela puisse arriver à des femmes que j’aime. C’est cette pensée qui m’a poussée à exposer, à partager. Mes œuvres sont devenues critiques, engagées. Le dessin est devenu une nécessité, presque une question de survie. Il fallait que je dise ce que je ne pouvais pas exprimer autrement. 

Le diagnostic a-t-il changé votre manière de créer ? 

Oui, complètement. Mes œuvres sont devenues plus satiriques, pleines de second degré. L’exposition présente deux types de créations : celles d’avant le diagnostic, empreintes de douleur et de tristesse, et celles d’après, plus ironiques, dénonçant les moqueries et le ridicule de certaines situations. 

Vers la fin de la création, j’ai ressenti plus de gratitude. J’étais moins en colère. J’ai alors imaginé un futur plus apaisé, une armure pour les femmes atteintes d’endométriose. 

Parlez-nous de votre exposition. 

Dans Petites Femmes, on découvre plusieurs formes artistiques. Mon point de départ, c’est le papier et le crayon. Mais pour cette exposition, j’ai voulu aller plus loin : j’ai exploré le dessin numérique, la peinture, la toile. Il fallait que je trouve de nouveaux moyens d’expression. 

On voit dans l’exposition une vraie progression. Au début, les œuvres sont plus brutes, moins maîtrisées, car elles traduisent une période de souffrance intense. Puis, au fil du parcours, les techniques s’affinent, les messages se précisent. Cette exposition a transformé mon art. 

Quel message souhaitez-vous transmettre ? 

J’aimerais que les visiteurs, et surtout les femmes, se sentent autorisés à être vulnérables. L’endométriose nous oblige à écouter notre corps, à accepter ce qu’il nous dit. Être vulnérable, ce n’est pas une faiblesse : c’est une force. Cela permet de mieux se connaître, de mieux se soigner. 

J’aimerais aussi que les femmes n’acceptent plus les mœurs d’aujourd’hui qui les incitent à devoir tout prendre sur elles. Il est temps d’être plus humain. Ce n’est ni exagéré ni égoïste. Pour chaque femme qui croit en l’égalité, il faut commencer par mieux se traiter soi-même. 

Je mise beaucoup sur les nouvelles générations, hommes comme femmes, pour faire un monde meilleur. Un monde où la douleur des femmes ne sera plus ignorée, où l’écoute et la bienveillance seront des valeurs fondamentales. 

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