Les symptômes
×
Les articles

Le traitement hormonal, la fameuse “pilule” dans le langage des femmes atteintes d’endométriose, est le traitement médical de référence[1], mais aussi une des rares options médicales disponibles, pour soulager les douleurs d’endométriose et limiter le développement de la maladie sur le long terme. Comme pour tout médicament, la prise de la pilule comporte des avantages et des inconvénients, amenant les femmes à opter pour le traitement ou à refuser de le prendre. Avec, pour chacune, des raisons qui lui sont propres. Qu’est-ce qui les poussent à accepter ou à refuser de prendre un traitement hormonal ? Rencontre avec celles qui ont fait le choix de la prendre et avec celles qui ont fait le choix de vivre sans.

Soulager la douleur et éviter la progression de la maladie

J'ai 23 ans, j'ai été diagnostiquée à 18 ans, on m'a tout de suite mise sous pilule en continu en me faisant comprendre que je n'avais pas vraiment d'autre choix et qu’à partir de maintenant tout irait bien.” Sophie décrit le parcours très classique d’une femme après un diagnostic d’endométriose. En effet, les recommandations de bonnes pratiques de la Haute autorité de santé et du Conseil national des gynécologues obstétriciens français indiquent que le traitement de première intention pour soulager les douleurs d’endométriose est la pilule en continu.

Ainsi, Fleur raconte qu’elle « prend la pilule car elle calme objectivement sa douleur de manière extrêmement efficace. Également parce que c'est la solution qui m'a été proposée par 4 généralistes et médecins (dont 3 qui connaissent bien l'endo). Et aussi par peur de ce qui se passerait si elle réessayait sans ».

Ainsi, alors que certaines prennent le traitement pour soulager leurs douleurs, d’autres y ont recours par peur que la maladie flambe et qu’elle aille coloniser d’autres organes. Ainsi Sonia raconte « comme j'avais très peur d'une violente récidive à cause de fortes douleurs, j'ai gardé mon traitement. Aujourd'hui en 2023, c'est toujours le cas, je me suis habituée à cette bouée de secours, j'ai peur de quitter mon traitement et des conséquences que cela pourrait avoir. »

Cette peur est encore plus présente pour celles qui ont déjà subi une ou plusieurs chirurgies : “j’ai été opérée d’une endométriose sévère avec atteinte digestive et vésicale en mars 2023. J’ai eu une résection colorectale et un « nettoyage » des lésions. Mon médecin m’a laissé sous Sawis puis Optimizette maintenant. La raison : rester en aménorrhée pour éviter aux lésions de se redévelopper. Je préférais ne pas y être mais je viens de traverser deux ans de charge mentale angoissante énorme. J’ai besoin du repos de l’esprit et de me sentir sécuriser par le traitement hormonal ” comme l’explique Lucile. Cette sérénité est précieuse pour Johanna qui raconte une histoire similaire :  “ j’ai choisi de conserver le traitement. Pour le moment, mes règles sont coupées et je n’ai pas d’évolution de l’endometriose depuis mon opération en mai 2022. J’ai fait une irm de contrôle en juin 2023 et c’est encourageant. Je ne souhaite pas tomber enceinte pour le moment également donc pour être plus sereine, j’ai choisi de garder cette alternative”.

Bien souvent, le traitement hormonal est souvent très fortement recommandé, voire imposé à coups de culpabilisation sur les risques de progression de la maladie[2], par les gynécologues rencontrés sans vraiment d’explications sur les avantages qu’il apporte et les inconvénients qu’ils peut engendrer. Ainsi, Justine raconte : “ je me suis sentie forcée à la prendre et aujourd’hui, j'ai une peur bleue de l'arrêter. Pourtant, il va falloir. Mon corps ne la tolère pas ”.

Des effets secondaires nombreux, dérangeants voire inquiétants

En effet, pour certaines femmes, le traitement hormonal s’accompagne de son lot d’effets secondaires : “avec la pilule je ne me sentais pas moi-même, souvent triste et déprimée, je n’avais plus de libido” indique Camille tandis que pour Pauline à cet état émotionnel difficile s’ajoutaient aussi “une perte de cheveux assez conséquente, de l’acné, une très grosse perte d’énergie (déjà que l’on n’en a pas beaucoup). Je ne pouvais plus faire de sport. Un drame pour moi ”.

Un soulagement qui n’est pas toujours au rendez-vous

Pour Sophie comme pour Justine, malgré le traitement, les douleurs étaient toujours présentes. Sophie confie “ j'avais toujours des saignements, avec certes moins de douleurs qu'avant mais quand même beaucoup ” tandis que Justine déclare “ j’avais des douleurs constantes à un seuil plus élevé que sans pilule. J’ai testé 4 pilules différentes et je n’ai pas voulu en tester d’autres ”.

Ce manque de soulagement des douleurs et les effets secondaires quotidiens alliés aux risques de méningiome et aux risques plus élevés de cancer du sein amènent un certain nombre de femmes à arrêter leur traitement, allant souvent à l’encontre des recommandations (voire des injonctions) médicales.

Pour certaines, le refus du traitement relève même d’une forme de rébellion face aux médecins et à la prise en charge actuelle encore très laborieuse de l’endométriose : “La vraie et première raison pour laquelle je l'ai arrêté au départ c'est la colère, le manque d'aide du corps médical, la volonté de me prendre en main moi-même” confie Marine.

Ces femmes se tournent alors vers les soins de support et autres thérapies complémentaires, comme l’alimentation, l’ostéopathie ou la psychothérapie, en complément des médicaments anti-douleurs classiques pour soulager leurs symptômes et retrouver un peu de bien-être au quotidien : “je préfère aisément me sentir moi-même et gérer mes douleurs avec des moyens plus naturels comme l’alimentation, les plantes, le CBD, le sport et bien évidemment le TENS … Bien évidemment je prends encore des anti-inflammatoires lors de mes règles car il y a des douleurs que je ne sais pas encore gérer” raconte Justine.

Et pour certaines d’entre elles, ce changement est une véritable révélation : “Les gynécologues n'ayant plus rien à me proposer j'ai décidé de tout arrêter, ça fait 5 mois maintenant et les changements sont incroyables. J'ai retrouvé de l'énergie, le moral, de la libido, je n'ai pas plus de douleurs qu'avant malgré le retour de mes cycles menstruels (depuis mon diagnostic je mets beaucoup de choses en place pour aller mieux notamment grâce à ma naturopathe, mon ostéopathe, ma kinésithérapeute). Je ne regrette pas du tout mon choix.” confie Sophie.

Pour autant, la grande majorité de ces femmes ne quitte pas le parcours médical classique. Elles cherchent plutôt à trouver un gynécologue à l’écoute qui respecte leur choix d’arrêter le traitement et continue de les suivre comme l’explique Samira : « ma chance au milieu de tout ça, c’est d’avoir eu la possibilité de rencontrer des soignants dans le non-jugement, et très à l’écoute, qui ont respecté mon choix contraceptif ».

Et d’ailleurs, la plupart n’excluent pas de reprendre un traitement si les prochains examens d’imagerie montraient une évolution de la maladie ou si les symptômes devenaient insoutenables comme en témoigne Fati “ parfois je me dis que reprendre la pilule m'aiderait à mieux vivre car là cela devient très dur de vivre avec mes douleurs et ma fatigue ”.

Quand vient le désir de grossesse

Bien souvent, les patientes alternent les périodes avec traitement et sans traitement en fonction de leur période de vie.

C’est ce que raconte Emilie. Après une longue période sous traitement hormonal et une décision longuement mûrie, elle a fait le choix d’arrêter le recours aux hormones : « Passé le cap de mes 30 ans, et un boulot auprès des enfants, j’ai commencé à réfléchir à ma vie, à un projet/désir de grossesse, et à l’effet de la contraception hormonale sur moi. Je voulais aussi mieux comprendre mon corps, m’estimant plus en mesure de le faire à 30 ans qu’à 18 ans ».

C’est aussi un passage obligé pour les femmes qui ont un désir de grossesse et qui de facto ne peuvent pas prendre de traitement hormonal comme le raconte Cindy : « Connaissant notre désir d’avoir des enfants mon gynécologue ne m’a pas proposé la pilule mais je me suis fait opérer (par un spécialiste qui préserve la fertilité naturelle). Aujourd’hui après 2,5 ans je souffre toujours car l’opération ne m’a pas soulagée. Je préfère essayer de mettre en place des alternatives plus naturelles plutôt que je prendre un traitement hormonal. Ce choix est d’abord guidé par mon désir de devenir un jour maman. Mais c’est aussi une envie de modifier légèrement mon mode de vie et de consommation. Je ne suis pas très à l’aise avec l’idée de prendre un traitement pour mettre en sourdine ma maladie sans essayer de la traiter. »

Tous les prénoms ont été changés.

 

Rédigé par Bertille Flory - Journaliste

 

[1] Haute autorité de santé et Conseil national des gynécologues obstétriciens français, Synthèse de la recommandation de bonne pratique, Prise en charge de l’endométriose Démarche diagnostique et traitement médical, décembre 2017

[2] Aujourd’hui, il n’existe cependant pas de données scientifiques sur le caractère progressif de la maladie, sur le risque d'augmentation en taille ou en volume des lésions, sur le risque de dissémination des lésions au cours du temps et sur le risque d'évolution d'une forme légère ou modérée vers une forme sévère (source : Hans Evers JL. Is adolescent endometriosis a progressive disease that needs to be diagnosed and treated? Hum Reprod. 2013 Aug;28(8):2023. doi: 10.1093/humrep/det298. PMID: 23861497.)

Lisez aussi...