Selon l’enquête d’EndoFrance réalisée en 20201, c’est sur la vie sexuelle des patientes que l’endométriose a la plus d’impact (devant la dimension psychologique et la dimension physique).
Et cela concerne une très grande majorité de femmes qui vivent avec la maladie puisque jusqu'à 70 % des femmes atteintes d'endométriose souffrent de troubles de la sexualité (diminution du désir, baisse de l'excitation sexuelle, difficulté à atteindre l'orgasme ou un sentiment de tension physique ou d'anxiété avant les rapports sexuels)2.
Parmi les autres chiffres qui permettent de se rendre compte que l’ampleur de l’impact de l’endométriose sur la vie intime, affective et sexuelle de l’endométriose, on peut citer que 88 % des femmes atteintes d'endométriose souffrent de dyspareunies3 et que plus d'1 sur 2 redoute le rapport sexuel pénétratif4.
Pourtant, la sexualité reste un sujet souvent tabou et peu abordé dans le cadre de cette maladie. Il est difficile d’évoquer le sujet avec le partenaire et encore plus avec les différents médecins rencontrés dans le parcours médical. Cet article vise à aider à lever les tabous, comprendre les causes de ces troubles et à trouver de possibles solutions.
De quoi parle-t-on quand on parle de troubles de la sexualité avec l’endométriose ?
Les difficultés sexuelles avec l’endométriose tout autant d’ordre physique (sensation de tension physique avant un rapport, douleurs lors des rapports sexuels, sécheresse vaginale causée par les traitements et par des troubles de l’excitation sexuelle, vulvodynie, vestibulodynie, vaginisme, crise/ douleurs lors d’un orgasme, difficulté à atteindre l’orgasme que d’ordre psychologique (diminution du désir, sentiment d'anxiété avant les rapports, dégradation de l’image que l’on peut avoir de son corps, perte de son éroticité, dus à des changements physiques : gonflements du ventre, prise de poids…) et relationnel (difficultés de parler d'intimité et de sexualité avec son/ses partenaires, appréhension de parler de l'endométriose et de ses problématiques quand on rencontre quelqu’un, manque d’assertivité et de confiance en soi pour exprimer ses limites et besoins à l’autre en matière de vie intime, affective et sexuelle).
Pour la plupart d’entre elles, les femmes témoignent, à l’instar de Clara, d’une « libido dans les chaussettes » ou pour Salomé d’une « libido inexistante ». Pour elles, cette baisse du désir a des causes bien déterminées, au premier rang desquelles la pilule et son cortège des effets secondaires (baisse de la lubrification, sécheresse vaginale) mais aussi la fatigue chronique associée quasi systématiquement à la maladie ou bien encore les douleurs.
Pour l’endométriose, on parle souvent des douleurs pendant les rapports profonds, douleurs qui sont liées au manque de mobilité des différentes structures et organes du petit bassin causé par l’endométriose. Alors que les organes sont sensés glissés les uns sur les autres et le vagin s’allonger, cela est rendu impossible par les adhérences causées par les lésions d’endométriose. Mais les douleurs pendant les rapports profonds ne constituent qu’une petite partie des douleurs ressenties par les femmes dans leur sexualité à cause de l’endométriose. Salomé parle « d’irritations, de brûlure vulvaire et de douleurs vaginales » tandis que Mathilde parle de « vaginisme, vestibulodynie et vulvodynie ».
Pour Chloé se sont les douleurs après les rapports qui sont le plus problématique. Il faut savoir que l’excitation et l’orgasme déclenchent une cascade hormonale qui suscitent l’inflammation et peuvent amener à une crise d’endométriose.
Les femmes décrivent alors cette peur du rapport sexuel qui s’instaure peu à peu. Et on entre dans un cercle vicieux de la douleur qui repose sur une interaction complexe entre douleur physique et impact psychologique. La douleur ressentie pendant les rapports (dyspareunie) peut entraîner une appréhension ou une anxiété anticipative, rendant les muscles pelviens encore plus tendus et exacerbant la douleur lors des tentatives suivantes. Cette répétition peut altérer la confiance en soi et la communication au sein du couple, renforçant l’évitement de l’intimité. Elle « génère aussi beaucoup de culpabilité » pour Léa.
Quelles sont les origines des troubles de la sexualité avec l’endométriose
Les troubles sexuels chez les femmes atteintes d’endométriose ont différentes origines :
- les adhérences : elles se forment lorsque les tissus cicatriciels lient entre eux différents organes, peuvent provoquer des douleurs intenses lors des rapports sexuels car les organes qui doivent glisser les uns sur les autres n’ont plus de mobilité
- les kystes volumineux : qu’ils soient situés sur les ovaires ou sur d’autres organes du petit bassin, les kystes engendrent une pression sur les organes environnants et peuvent amener à une gêne voire à des douleurs pendant les rapports ;
- l’hypertonicité du périnée et notamment des muscles releveurs de l’anus : chez certaines femmes atteintes d’endométriose, le périnée et les releveurs peuvent se contracter de manière excessive, entraînant des douleurs chroniques et une impossibilité de se détendre durant les rapports. Cette hypertonicité est souvent une réponse réflexe à la douleur ou au stress
- les troubles digestifs (Syndrome de l’intestin irritable - SII, constipation, diarrhées, ballonnements) mais aussi les troubles urinaires liés au syndrome de la vessie douloureuse peuvent irradier dans tout le périnée, la vulve, le vagin et parfois la région lombaire, rendant les rapports douloureux
- l’inflammation et la congestion : l’endométriose entraîne une inflammation chronique et une congestion pelvienne, qui peuvent être exacerbées par les rapports sexuels (sous l’effet des hormones lors du rapport sexuel). Cette réaction inflammatoire accentue les douleurs et limite le plaisir
- La santé mentale dégradée ou la dépression associée à la maladie : la douleur chronique et les limitations imposées par l’endométriose peuvent affecter la santé mentale, augmentant les risques de dépression et d’anxiété. Ces troubles psychologiques pèsent lourdement sur la sexualité, rendant parfois difficile l’envie ou le plaisir.
- une image dégradée du corps : les symptômes de l’endométriose, comme les ballonnements ou les cicatrices, ainsi que les douleurs chroniques, peuvent altérer la perception que les femmes ont de leur corps. Cette image dégradée nuit à l’estime de soi et à l’intimité avec un partenaire.
- l’infertilité et les parcours PMA : pour de nombreuses femmes, l’endométriose est liée à des problèmes de fertilité. Les parcours de Procréation Médicalement Assistée (PMA) peuvent générer un stress important, des pressions psychologiques avec l’obligation du rapport à une date précise mais aussi des doutes sur leur féminité
- L’idée que l’on se fait de la sexualité : la sexualité reste souvent centrée sur la pénétration, une norme qui ne convient pas toujours aux femmes atteintes d’endométriose, en raison des douleurs associées. De plus, les besoins sexuels des partenaires masculins peuvent être mal compris ou surévalués, ajoutant une pression inutile.
Les solutions pour retrouver une sexualité épanouie avec l’endométriose
Dans ces situations, explorer d’autres formes d’intimité et redéfinir les attentes au sein du couple peut permettre de retrouver une complicité authentique. C’est cette piste qu’a suivi Isabelle : « je reprends doucement une sexualité pénétrative après avoir repris une sexualité solo d’abord » afin de mieux comprendre son corps, appréhender les réactions de celui-ci et bien différencier ce qui lui apporte du plaisir de ce qui lui génère des douleurs.
La communication avec soi-même et avec son partenaire
De côté Sandrine explique que c’est la communication avec son conjoint qui a changé la donne : « Aujourd’hui, je n’hésite plus à demander du lubrifiant, à dire ce dont j’ai envie, à arrêter ou à faire autrement à la moindre douleur ». Elle explique qu’elle n’hésite plus non plus à se replacer, à changer d’angle de position » parce qu’elle fait le choix de son bien-être et de son plaisir dans une relation qui est à deux et où elle aussi doit y trouver du plaisir.
Faire appel à un professionnel
Ce sont des échanges avec une psychologue sexologue qui lui ont permis d’avancer sur ce chemin. Comme les sexothérapeutes, les médecins sexologues, les psychologues sont des professionnels spécialisés qui peuvent vraiment faire la différence dans ces parcours spécifiques. Tout comme prendre rendez-vous en kinésithérapie périnéale ou en ostéopathie intrapelvienne (avec une sage-femme ou un kinésithérapeute uniquement) pour assouplir et remettre du mouvement au niveau des différentes structures du bassin.
S’équiper d’outils pour plus de confort
Certaines prolongent d’ailleurs cette rééducation à la maison grâce à des dilatateurs progressifs. Parmi les outils utiles, Assia cite « les réducteurs qui permettent d’éviter des rapports trop profonds et donc les douleurs dans le fond du vagin ».
D’autres s’équipent avec de la cryoathérapie périnéale pour soulager l’inflammation, des lubrifiants ou des suppositoires au CBD pour « bien assouplir à l’intérieur » ou bien encore des gels pour soulager les douleurs vulvaires.
Mounia partage aussi « le livre Slow Sex de Diana Richardson » qui a changé sa sexualité.
Plusieurs comptes Instagram peuvent également d’être une grande aide pour se sentir moins seule :
- @hellohedone : Gabrielle Adrian, sexologue et thérapeute de couple
- @marine.sexo : Marine Gandon, sexothérapie et sexo-analyse
- @charles.co : compter dédié à la santé sexuelle masculine
- @mia.com : compte dédié à la santé sexuelle féminine
Rédigé par Bertille Flory - Journaliste