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Lorsque le diagnostic de l’endométriose tombe, c’est d’une part un soulagement. Enfin, mettre des mots sur nos souffrances, se sentir compris·e et pris·e au sérieux. Mais ça peut aussi être un choc. Il va désormais falloir apprendre à vivre avec une maladie chronique, maladie qui par ailleurs est encore sous le joug d’un énorme flou médical. Cette pathologie a cela de particulier qu’elle s’invite dans l’intimité du couple, elle a bien entendu un impact sur les personnes qui en souffrent directement, mais aussi sur celles qui partagent leur vie. En tant que partenaire, on peut ainsi rapidement se sentir démuni·e face à cette maladie encore méconnue. L’endométriose met le couple à rude épreuve. Elle requiert de la patience, de l’écoute, de la compréhension, et bien entendu de la communication. Comment on fait, pour vivre et aider au quotidien une personne atteinte d’endométriose ?

 

Être dans l’écoute et la compréhension

« Je me suis beaucoup renseigné sur la maladie quand le diagnostic de ma compagne est tombé », c’est ce que nous raconte Thibaud, 27 ans, psychologue. S’il n’est pas question de tout connaître dans les détails, savoir de quoi on parle et de quoi il en retourne est le minimum. Sans ça, il est compliqué d’être compréhensif·ve et d’accompagner au mieux sa partenaire.

« Mon compagnon me propose des solutions, sans jamais rien imposer » confie Sarah, 31 ans, stratège dans le secteur automobile. Ne pas penser qu’on sait mieux que sa partenaire ce qui est bon pour elle parce qu’on s’est renseigné. La personne qui sait le mieux, c’est encore celle qui vit et subit la maladie. Parfois, on croit savoir ce qu’il y a de mieux pour l’autre mais il faut respecter que ce n’est peut-être pas le moment. Cela peut être incroyablement frustrant mais il faut bien comprendre que les traitements peuvent représenter une charge mentale importante, un coût conséquent, et on n’a pas toujours l’énergie disponible pour se lancer dans un énième traitement, et de surcroît, prendre le risque d’affronter une déception de plus lorsque les résultats de ce dernier ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Sarah nous explique que « parfois il me suggère de prendre un anti-douleurs et ça pourrait en effet me soulager, mais si j’ai déjà les intestins en vrac, je n'ai pas envie d’en rajouter, alors je préfère éviter. Je lui explique et il comprend. » Ne pas infliger une pression supplémentaire est donc primordial. Il faut faire preuve d’ouverture d’esprit lorsqu’on souhaite aider sa partenaire. On ne peut pas toujours comprendre les réactions et actions d’une personne qui souffre … Parce que tout n’est pas toujours rationnel. Et c’est ok, d’un côté comme de l’autre. Ne pas toujours comprendre n’empêche en rien de respecter les décisions de l’autre.

Faire sa part … Et au-delà !

Comme pour tout, la communication est la clé. Demander à sa partenaire ce qu’on pourrait faire pour elle est la base de tout. Et si on ne peut pas l’aider directement et physiquement, il est très important de se pencher sur les à-côtés. Quand on est pliée de douleur, il est difficile d’aller faire les courses, de faire le ménage … Alors prendre en charge ces tâches du quotidien peut soulager différemment, mais ça peut faire la différence. En effet, quand on interroge les personnes atteintes d’endométriose sur les gestes « qui comptent », on réalise que la prise en charge de la charge mentale dans le foyer est ce qu’il y a de plus important « je n’ai pas besoin de demander pour que quelque chose soit fait » partage Julie[1]. Quand on doit gérer sa douleur, on ne peut pas gérer le reste, alors avoir un partenaire proactif prend tout son sens. Anastasie[2] nous explique que son ex-mari « vient à la maison quand j’ai des crises[3] pour s’occuper des enfants ». Elle ajoute « meilleur ex-mari ! ».

Charlotte, qui souffre elle aussi d’endométriose, apprécie le fait que son conjoint anticipe certains gestes du quotidien. Quand elle a des crises, « il prend en charge toute la charge mentale de la maison, il me prépare des bouillottes, des tisanes, des plats sains pour m’aider au maximum. Il met son réveil 15 minutes avant moi pour me préparer mon petit déjeuner, et il part parfois pour son travail un peu en avance pour faire le trajet de métro avec moi, sans que j’aie besoin de rien demander ». C’est « précieux » pour elle. Sarah, qui doit prendre un traitement chaque jour à la même heure, nous explique que c’est « compliqué » pour elle, « je ne suis pas routinière, mais si je ne prends pas mon médicament tous les jours à la même heure, je souffre énormément. Mon compagnon m’aide à gérer toute cette logistique, il a mis une alarme sur son téléphone et même quand on vivait dans des pays différents, il m’envoyait des messages pour s’assurer que j’avais pris mon traitement. » On ne parle pas ici d’aider, ni même de faire sa part, les gestes vont au-delà et ces attentions font la différence. Avoir des anti-douleurs sur soi, préparer les bouillottes … Des petits gestes qui semblent anodins, mais qui soulagent tant physiquement que moralement. Parce que le soutien moral, se sentir compris·e et pris·e au sérieux est aussi essentiel. Ne pas faire de la maladie un tabou, faire comprendre à l’autre que ses douleurs et sa souffrance sont légitimes quand on s’est entendu dire toute sa vie qu’on en faisait « des caisses », ça a un impact non négligeable sur le moral. Et puis ne pas se sentir jugée parce qu’on ne peut pas faire certaines choses, de ne pas avoir besoin de se justifier de n’être pas capable, de ne pas avoir l’énergie, de dormir beaucoup, dans ces moments de crises. Pour Sarah, son compagnon est quelqu’un qui doit « me protéger vis-à-vis des autres et du jugement, quand je ne peux pas sortir parce que je suis en crise par exemple. Mon copain a expliqué à toute ma belle-famille que je souffrais d’endométriose. Un de ses oncles très versé médecine douce et naturopathie est parti faire des recherches dans ses livres et l’a rappelé plus tard pour lui donner des conseils. J’ai trouvé ça vraiment touchant et mignon. »

Se sentir démuni face à l’endométriose

Thibaud est en couple depuis 4 ans avec sa compagne qui souffre d’endométriose. Le diagnostic est tombé quelques mois après qu’ils aient commencé à se fréquenter. Au début le plus difficile pour lui a été de se sentir démuni « je suis quelqu’un qui aime être dans le contrôle et maîtriser les choses, alors la voir souffrir sans savoir de quoi il s’agissait et sans rien pouvoir faire, ça été dur à voir et à gérer pour moi, comme cette fois où elle se tordait de douleur dans la voiture alors que je l’emmenais chez le médecin et qu’il n’a pas voulu se déplacer sur le parking pour voir ce qu’il se passait. On a toujours beaucoup communiqué sur la maladie, mais finalement on a réalisé que c’était surtout elle qui communiquait, et moi je ne partageais pas forcément mes ressentis. Je me disais que c’était elle qui souffrait donc je ne voulais pas en rajouter. On s’est vite rendu compte que ça ne fonctionnait pas, alors on a réajusté. J’avais peur, pas pour notre relation, mais de me retrouver trop souvent dans des situations dans lesquelles je me sens démuni, parce que je ne sais pas gérer. Ça été long avant que l’on sache de quoi elle souffrait exactement, il y a eu toute une phase de flou autour de kystes qui pouvaient peut-être cancéreux. Mais une fois que le diagnostic est tombé je me suis dit qu’on allait pouvoir mettre en place des choses pour l’aider. J’étais assez confiant et j’ai toujours essayé d’être rassurant. Je me suis beaucoup renseigné sur la maladie, je connaissais de nom car une de mes connaissances avait partagé quelque chose à ce sujet sur Insta. Je connais mieux la maladie, les symptômes, avec le temps on a « appris », ma compagne connait mieux son corps aussi donc c’est plus « facile » à gérer. Quand elle a une crise, maintenant je sais quoi faire. J’essaie de lui rappeler les exercices de kiné qu’elle a appris pour son périnée. Je l’accompagne avec des outils de relaxation pour qu’elle prenne le temps de respirer, j’essaie de faire en sorte qu’elle se concentre sur moi et pas sur les douleurs. Au début pour gérer les crises, j’étais sur mes gardes, maintenant ça fait partie de notre quotidien, et puis c’est beaucoup moins intense aussi. Si une crise vient, elle vient, et je suis plus près à mettre les choses en place. Ça a changé plein de choses dans nos habitudes comme avec l’alimentation, si tu fais moins attention ça influe sur les douleurs, et puis au niveau sexuel aussi, ça peut arriver pendant un rapport. Mais ça va faire 3 ans que c’est comme ça, alors on a l’habitude. »

Endo et sexualité

L’endométriose s’immisce dans l’intimité du couple et la sexualité peut devenir compliquée à gérer. Difficile d’avoir envie de quelque chose qui vous fait mal. Ne jamais brusquer, et accepter qu’il y ait des choses qu’on ne pourra pas ou plus faire. Sarah nous explique que pour elle, « il y a un ajustement autour des positions selon où les lésions sont placées, ça peut devenir très douloureux. Mais aussi autour des effets secondaires du traitement, comme mon traitement est un genre de ménopause, j’ai des sécheresses … C’était quelque chose que je ne connaissais pas avant et donc je dois comprendre ce qui se passe et m’ajuster. Il faut que la personne en face accepte qu’on ne sache pas et qu’on tâtonne. Et ça peut encore changer en fonction du traitement. Après deux ans et demi, on ajuste encore. » Ainsi, sortir des schémas classiques et déconstruire ses croyances sur la sexualité va s’imposer. On peut découvrir une sexualité différente, on peut explorer au-delà de la sacro-sainte pénétration. « Ça change la sexualité, mais je ne dirais pas que c’est moins bien. »

 

Rédigé par Gala Avanzi - Journaliste

 

[1] Le prénom a été modifié.

[2] Le prénom a été modifié.

[3] D’endométriose.

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